[Test] Chants of Sennaar

Je suis une personne ayant grandi avec trois langues parlées dans ma famille, ce qui m’a donné une certaine fascination pour l’étymologie, la sémantique et une curiosité pour les sciences linguistiques. J’étais donc tout excité quand j’ai découvert Chants of Senaar, un jeu qui est une sorte d’énorme Pierre de Rosette interactive. Apportez votre plus beau carnet, nous allez déchiffrer de nouvelles langues !

Jeff Goldblum esquisse un sourire et lance un regard vers son côté avec un air satisfait.
Tout prend son sens !

Notre protagoniste, un voyageur sans nom, se réveille dans un lieu inconnu, une sorte d’ancien temple au pied d’une tour. Cet endroit est inspiré par le mythe de la Tour de Babel et abrite plus d’une communauté mais chacune vit séparément et parle une langue différente. Nous devons alors déchiffrer chaque langue et unifier les discordants peuples de la tour, qui ont depuis longtemps perdu le moyen de communiquer entre eux, provoquant des conflits.

Notre protagoniste est sur un escalier au premier plan et regarde, au loin, une sorte d'amphithéâtre en forme carré, qui semble fait de béton avec des angles parfaits.

Ce jeu dispose d’une palette de couleurs vibrante, avec un style de bande dessinée occidentale qui m’a rappelé l’excellent Journey avec une touche de cell-shading, avec des ombres nettes et des formes aux contours surlignés, superimposé d’un tramage. Bien que les personnages soient relativement simples, leur vêtements et accessoires sont uniques à chaque peuple et l’architecture qui nous est présentée est somptueuse, richement inspirée par divers styles, du Moyen-Orient au brutalisme.

Le jeu contrôle pleinement la caméra afin de nous donner les meilleurs angles de vue sur le décor, et comme le monde est divisé en petites sections de niveau connectées (nous passons d’un “écran” à l’autre comme dans un jeu rétro), les développeurs n’ont pas hésité à varier notre expérience entre les plans éloignés et les plans proches en contre-plongée, donnant toujours à nos yeux quelque chose de différent à apprécier. Pas d’inquiétude, nos oreilles sont aussi réjouies avec des morceaux de musique qui varient selon le niveau, inspirés par la culture du peuple qui habite cette section de la tour. Des chants spirituels, de douces harpes et même quelques synthés… il y a de quoi ressentir quelques frissons !

Le personnage se tient dans une sorte de jardin public avec des palmiers, un canal et une architecture saisissante aux toitures roses, non sans rappeler un style indien.

Chants of Sennaar ne nous donne pas énormément d’exposition, il revient donc à nous d’explorer et de lire (et de revenir plus tard quand notre glossaire est plus étoffé !) pour mettre les bouts d’histoire ensemble pour comprendre pourquoi ces peuples ne coexistent plus. Nous découvrons aussi les aspirations de chaque peuple, mettant en avant les raisons de leur désaccord. Les différents languages que nous découvrons ont leur grammaire propre (pluriel, négation, structure, etc.) ce qui assure que chaque “niveau” a toujours de nouvelles surprises — et vu le principe du jeu, j’ai été très content de voir que ça ne s’essouffle pas avec des langues qui varient suffisamment, autant leur construction et logique que la façon de tracer chaque glyphe (qui sont sous forme d’idéogrammes).

Un carnet de notes est ouvert et deux dessins sont sur la double-page, avec trois glyphes autour qui indiquent leur signification. À côté se tient une grille de glyphes complétée pour la même langue.

La Tour est vaste et comprend de nombreux recoins à explorer pleins de détails — encore faut-il comprendre les mots ! Le principe est assez simple et repose sur un jeu d’association. Si nous voyons quelqu’un crier un mot à une autre personne et qu’elle arrête de marcher, nous pouvons déduire que le mot signifie “arrête/stop”. En plus des lignes de dialogue, nous pouvons trouver des symboles sur des monuments ou parchemins, entre autres — une touche permet de révéler les éléments interactifs, je recommande son utilisation ! Les puzzles sont souvent assez intuitifs pour nous que nous ayons une idée de ce qu’il faut faire, ce qui permet ensuite de décoder des mots autour de nous, enrichissant notre vocabulaire petit à petit. Il y a une variation assez plaisante entre énigme linguistique et casse-tête un peu plus tangible qui ne m’a pas laissé m’ennuyer.

Bien que ce soit un jeu plutôt calme, nous avons le droit à des séquences plus tendues comme de l’infiltration ou d’autres demandant de la dextérité (qui est parfois frustrante à fournir avec un joystick de manette PS5), ajoutant une touche de diversité à un gameplay qui est simple mais diablement efficace. Comptez sur votre perception et votre déduction pour les langues ainsi que les énigmes afin d’avancer, car vers le dernier tier du jeu, ça devient coriace et prendre des notes devient quasiment indispensable ! Je noterais que j’ai eu un souci me bloquant des heures durant pour trouver les deux derniers mots d’une langue à cause d’un escalier caché en bas de l’écran difficile à voir dû à mes paramètres graphiques — un peu décevant mais ça ne retire rien à ce que je pense du jeu ! J’ai beaucoup aimé cette aventure, n’ayant jamais vraiment joué à un jeu de la sorte auparavant et je peux vous assurer qu’il est bien ficelé.

Un étranger se tient de l'autre côté d'une écluse et semble donner des instructions à notre personnage pour pouvoir avancer.

Si vous avez ne serait-ce qu’une curiosité envers les langues étrangères et/ou aimez les jeux de réflexion, Chants of Sennaar propose une aventure riche en cultures fantastiques, avec un décor varié qui fait plaisir aux rétines et qui fait chauffer les neurones. Les mystères de la Tour sont nombreux et ce jeu nous offre quelque chose qui est, à mes yeux, peu commun. Que ce soit son esthétique ou sa logique, Chants of Sennaar est une petite réussite du studio Rundisc (français, qui plus est !) que je recommande aux linguistes amatrices et amateurs, et aux fans de puzzle !

Linguistiquement vôtre,
À plus !

P.S. : Merci à Julien de Rundisc pour son indice qui m’a débloqué, j’en suis très reconnaissant !